Memories 4

Cheveux tenus en queue de cheval, traits tirés et maquillage absent, je tordais dans tous les sens le bas de mon t-shirt et scrutait la foule avec angoisse. Il y a quelque chose de terrible dans ces aéroports. Tous ces visages anonymes, cette foule d’inconnus qui ne faisait qu’exacerber mon impatience. Je les détestais tous. Je devinais leurs histoires rien qu’à leur visage et je me demandais ce que le mien pouvait bien révéler de moi. Je ne m’étais jamais sentie aussi désemparée qu’aujourd’hui.

« Embarquement pour New York porte treize… »

Oh pitié non pas maintenant. Donne-moi juste quelques secondes de plus. C’était tellement idiot. Ca ne pouvait pas finir comme ça, sur quelques mots lancés sur le coup de la colère. Pourquoi auraient-ils plus de force que tout ce qui avait été dit auparavant ? C’était tellement injuste. Je haïssais ce choix qu’on me faisait faire entre rêves et désirs. J’arborais chaque parcelle de la personne que j’étais devenue à son regard en l’espace d’une seconde. Et surtout j’avais cet indicible sentiment de m’être trahie. Pourtant je ne trouvais pas la force de faire machine arrière. La peur me tenaillait dans la plus cruelle des incertitudes. J’attendais simplement qu’il apparaisse. Il m’aurait été impossible de le confronter à mes sentiments et de me voir rejetée. Je préférais fuir. J’étais trop lâche.

« Dernier appel pour le vol à destination de New York. »

Un instant je fus tentée d’ignorer cet appel. Quel mal y aurait-il à attendre le prochain ? Personne si ce n’est mon destin ne m’attendait à New York. La ville qui ne dort jamais pouvait bien patienter encore un peu. J’irais lui crier plus tard mon insoumission, j’irais lui jeter à la figure ces rêves de pacotilles, parce que j’aurais trouvé ce que je cherchais vraiment en moi, une raison d’exister.

« Les derniers passagers sont appelés à embarquer pour le vol de New York… Les… »

Ca va j’ai compris espèce de poufiasse. Rageuse je traîne ma valise derrière moi. A quoi est-ce que je m’attendais ? A un happy ending ? Je connais pourtant Kaleb. Je l’aime pour tout ce qu’il est. Et tout ce qu’il ne sera jamais. Il ne sera jamais l’homme qui me courra après parce qu’il respecte trop la personne que je suis et j’ai horreur de ça. Je voudrais qu’il m’attrape pour m’embrasser à pleine bouche, qu’il soit certain que la seule force de ses lèvres soit capable de me retenir sur la terre aride du Texas. Et c’est vrai. Je pourrais être tout ce que je ne suis pas rien que pour lui. Ou simplement laisser enfin éclater le vrai moi. Ce qu’il a su réveiller.

« Votre billet. »
« Ma mort. »
« Hum ? »
« Merci… » Soufflais-je avec un sourire affable sans relever sa question. Je n’osais pas un regard en arrière. Tout venait de s’écrouler.