Memories 3

Assise sur le rebord d’une fenêtre je contemplais avec lassitude la vue pourtant magnifique qui s’offrait à moi. New York était à couper le souffle. Vraiment stupéfiante mais le spectacle me laissait aussi froide que les pierres de ses hautes tours. Mon regard fouillait l’horizon à la recherche d’un peu de verdure, quelque chose de vrai auquel me raccrocher. Je n’aurais jamais cru que je puisse être une fille de la campagne, j’avais toujours été tenue d’adorer les boutiques de luxe et les constructions vertigineuses. Pourtant c’était les pieds dans des bottes en plastique et les mains dans la terre que j’avais construit mes plus beaux rêves. Discrètement j’essuyais une larme qui coulait sur ma joue et je pressais les mailles du pull de laine que je portais contre mon nez, j’inspirais à fond, essayant de retrouver son odeur mais avec les mois la magie s’était envolée et je ne sentais qu’une vague odeur de lessive.

Alors distraitement je laissais ma main courir sur le renflement maintenant évident de mon ventre. La chaleur qui irradiait sous ma paume m’arracha un sourire et je la laissais là, goûtant la sérénité d’une telle sensation. Savoir que j’allais être mère avait éveillé toutes sortes de sensations en moi, des plus inattendues. J’avais cru que je céderais à la panique mais je me trouvais calme et résignée. L’unique chose qui me provoquait des sueurs froides était lorsque je me réveillais la nuit et découvrais être seul. Mon corps détestait se faire à cette vérité et mes doigts couraient toujours sur les draps à la recherche de sa chaleur. J’avais ce manque de lui qui me cisaillait en deux.

Soudain je sentis une secousse sous ma paume qui me fit tressaillir et lâcha mon cœur dans une course folle. Je n’avais eu cette certitude qu’il y avait quelque chose en moi que lorsque j’avais sentit les premiers coups de pied. Sensation encore neuve, elle m’émerveillait encore à chaque fois et ne manquait qu’une main puissante et calleuse posée sur mon petit bidon pour que le moment soit parfait. Soupirant je descendais de mon perchoir et traversait les quelques minables mètres de mon studio, je n’avais pas les moyens de m’offrir plus et déjà la façon dont j’allais m’organiser posait problème. Mais vers qui me tourner ?

Je décrochais le combiné et le collait à mon oreille. Tandis que je composais le numéro et laissais les sonneries s’égrener j’entendais ma respiration résonner en écho. Puis un déclic et je retenais mon souffle. « Allo ? » La voix chanta à mon oreille comme une bénédiction. J’adorais entendre sa tonalité grave et son côté familier. Que pouvait-il arriver de si mal si je me décidais à parler. N‘y avait-il aucun pardon possible ? « Allo ? » Cédant à la panique je raccrochais. J’avais l’impression que ma poitrine allait exploser sous la violence des battements de mon cœur.

Viens me chercher…